Quand imprimer un livre devient une épreuve de Koh-Lanta 🗿

Levée à l’aube, stress intense, décisions cruciales et zéro confort… Non, je ne suis pas sur une île déserte, juste en train de caler une impression. Entre couleurs capricieuses et pression maximale, aurais-je le totem de l'immunité ?

Dos Carré Collé
3 min ⋅ 21/03/2025

Bonjour à tous.tes,

J’espère que vous profitez de ce soleil ☀️ et que votre stock de vitamine D se refait une santé (parce qu’avec l’ambiance générale, on en a bien besoin !). Mais petite info du jour : papier et soleil, ce n’est pas franchement une histoire d’amour. Le papier, c’est vivant, et selon sa qualité, il réagit plus ou moins bien aux UV. Vous avez sûrement des livres dans votre bibliothèque qui ont jauni avec le temps (surtout en littérature, c’est un... grand classique ;) +10 à moi-même pour celle-là 😂).

Ce phénomène, c’est dû à l’oxydation de la lignine, un composant naturel du bois. Plus le papier est de mauvaise qualité, plus il jaunit vite (coucou les vieux poches oubliés au soleil). Les imprimeurs et papetiers ont d’ailleurs quelques astuces pour ralentir ce vieillissement, mais ça, on en parlera une autre fois.

C’était l’instant météo & papeterie. Passons au vrai sujet du jour : le calage en imprimerie.

Dans le numéro précédent, je vous parlais de mes déplacements chez les imprimeurs pour superviser le calage machine. Aujourd’hui, entrons dans les détails de cette étape cruciale qui garantit que la couverture d’un livre corresponde bien aux souhaits de l’auteur.rice et éditeur.rice.

1. Avant l’impression : les ajustements en amont

Tout commence bien avant d’arriver chez l’imprimeur. Une fois la couverture finalisée par le graphiste et validée sur le plan éditorial, elle passe entre les mains du photograveur, un spécialiste qui ajuste les images pour qu’elles soient optimales à l’impression. Il nous envoie ensuite un cromalin, un tirage papier qui servira de référence pour les couleurs.

Ce cromalin est essentiel : c’est notre boussole couleur. Avec l’éditeur.rice, on l’examine attentivement pour s’assurer que le rendu est fidèle à nos attentes. Si nécessaire, on demande des ajustements (par exemple, réduire un excès de rouge dans un visage ou augmenter le contraste). Une fois validé, ce cromalin est envoyé chez l’imprimeur pour qu’il puisse régler ses machines avant mon arrivée.

2. Sur place : l’épreuve du calage

Quelques jours plus tard, me voilà chez l’imprimeur, souvent à l’aube et parfois très loin (je vous épargne mon calage en Bosnie-Herzégovine : 7h de trajet, 3h de voiture pour 30 minutes de calage... oui, j’ai encore des sueurs froides).

L’opérateur a déjà préparé les premiers réglages. Il me tend les premières feuilles imprimées et c’est là que tout se joue : en comparant la feuille imprimée avec mon cromalin, je dois repérer la moindre variation de couleur.

Exercice périlleux : l’œil doit être affûté pour percevoir les nuances et comprendre comment corriger le tir. Une impression offset repose sur quatre couleurs de base : cyan, magenta, jaune et noir. Si la feuille imprimée tire trop vers le jaune-vert, par exemple, je demande au conducteur machine de réduire le jaune pour rééquilibrer le cyan et obtenir un beau vert.

Synthèse soustractive pour les couleursSynthèse soustractive pour les couleurs

Dès que j’exige une correction, l’opérateur applique les ajustements et nous réimprimons quelques feuilles pour vérifier. Ce va-et-vient continue jusqu’à ce que les couleurs soient OK pour moi.

3. Le moment fatidique : la validation

Quand, ENFIN, tout est bon, je signe la feuille référence BAT (Bon À Tirer). Ce document est LA référence absolue pour l’imprimeur. S’il s’écarte de cette feuille pendant le tirage final et que le résultat n’est plus conforme, il devra tout réimprimer à ses frais. Vous comprenez pourquoi je signe en tremblant : la validation couleur est de mon entière responsabilité, donc si auteur.ice pas content.e = éditeur.ice pas content.e, et si on doit dans le pire des cas réimprimer c’est l’éditeur qui paie 💸. Je peux vous dire que pour un livre à fort enjeu, la pression est maximale.

4. Et quand je ne me déplace pas ?

C’est simple : le cromalin validé fait foi. Si, à la réception des livres finis, les couleurs sont très différentes du cromalin envoyé, on peut exiger une réimpression… mais rassurez-vous, c’est extrêmement rare. Ce qui m’est déjà arrivé c’est de demander une énorme remise commerciale car effectivement la couverture n’était pas à la hauteur de nos attentes. Malheureusement on ne pouvait se permettre une réimpression car le livre ne pouvait en aucun cas être reporté en librairie.

Et pour l’intérieur du livre ? Le processus est le même, mais bien plus long ! On se concentre donc surtout sur les parties les plus complexes, et ensuite le conducteur machine ajuste en fonction de la validation des premières parties pour une cohérence des couleurs.

Voilà, vous savez maintenant ce qu’est un calage en imprimerie ! Si vous êtes encore là, bravo à vous, vous pouvez candidater à Koh Lanta sans problème 😆🗿

C’est le priiiintemps aujourd’hui 🌸 Alors quoi de mieux que de vous présenter une papeterie que j’adore All the Ways to say (site internet ici). J’aime leur engagement pour la planète et qu’ils essaient au max d’imprimer en France (80% de la production tout de même) 😌

Voici ma petite sélection spéciale printemps, les couvertures sont magnifiques et donnent envie de flâner, partir en vacances… Ce sont des 64 pages au format A5.

Carnet 1 : Medina

Carnet 2 : Paris

Carnet 3 : Flower Garden

Je suis tombée pas plus tard que la semaine dernière sur Brittney Lee, une artiste qui travaille pour les studios Disney et qui réalise, en parallèle, des œuvres entièrement en papier. Le résultat est époustouflant, avec une finesse et un sens du détail incroyable. Son Instagram ici.

C’est terminé pour cette deuxième édition, j’espère qu’elle vous aura plu. N’hésitez pas à m’écrire si vous avez des questions ou si je ne suis pas claire :)

A dans quinze jours,

Livrement vôtre,

Isalyne

Dos Carré Collé

Dos Carré Collé

Par Sayne Venel

À propos de l’autrice de Dos Carré Collé …

Fabricante depuis 10 ans dans l’édition dans des secteurs très variés, littérature, scolaire, BD, manga, je vous partage mon expérience (mes succès et gros fail !) en espérant vous embarquer avec moi dans ce très bel univers !

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