Des dragons qui jaillissent, des châteaux qui se déplient, et moi qui ai failli perdre un neurone ou deux en essayant d’en fabriquer un… on parle de ces livres qui refusent de rester plats !
Bonjour à tous et à toutes ! ☀️
C’est dimanche matin, parfait pour glisser un peu de lecture papier entre votre café et… la grande R…. (oui, je sais, ça pique un peu). J’espère que votre été a été doux malgré la canicule, et que celles et ceux qui ont eu la chance de partir ont pu vraiment décrocher.
Et hop, on ressort le clavier pour l’édition de rentrée – et pas des moindres, puisqu’aujourd’hui on va parler de livres qui bougent tout seuls : les pop-up !
En visualisant ma bibliothèque, je cherchais un thème à aborder pour la rentrée quand mes yeux se sont posés sur le livre « Hearthstone » et ça a fait « POP » (wink wink) dans mon cerveau. Je ne joue absolument pas à ce jeu vidéo mais j’ai pu récupérer cet exemplaire lors d’un ancien travail. Et franchement, c’est une pépite pour illustrer ce que peut être un vrai beau livre pop-up.
Mais alors concrètement Keskecé ?
Un pop-up est un livre animé en 3D dont des éléments se déploient quand on ouvre la page (mécanismes de volets en V, parallélogrammes, boîtes, tirettes…). C’est une sous-famille des « livres à systèmes » qui incluent aussi les volvelles (disques qui tournent, j’explique plus après !), tirettes, rabats etc. Le principe : du papier plié/collé selon une petite chorégraphie géométrique, pour que l’objet surgisse à l’ouverture… et accepte de se replier sans broncher à la fermeture (le vrai défi).
Un peu d’histoire…
Les premiers systèmes ne servaient pas à amuser les enfants mais… à calculer les astres ! Dès le XIIIᵉ siècle, on trouve des volvelles dans des manuscrits savants, et au XVIᵉ, Peter Apian en fait un chef-d’œuvre avec son Astronomicum Caesareum (une trentaine de volvelles dans tout l’ouvrage, un vrai bijou ! Le livre est intégralement dispo sur le site de la BNF Gallica ici.)
Exemple de volvelle de Peter Apian
La volvelle est une carte tournante, utilisée pour l'astronomie, la navigation et la médecine. Il s'agit d'un instrument de calcul. Elle est constituée d'un disque fixe sur lequel on a superposé plusieurs disques mobiles pivotant les uns sur les autres. Elle sert essentiellement à simplifier les calculs d’événements cycliques. (Ps: Les volvelles d’Apian n’ont pas de disque superposés, c’est grâce à une ficelle que l’on tourne que l’on peut calculer, comme on peut le voir sur la photo ci-dessus.)
Un peu plus tard, 1613 : Johann Remmelin publie un atlas anatomique à rabats. On soulève une couche de papier, puis une autre, pour explorer le corps humain. Fascinant (et un peu flippant…).
Exemple d'une des pages du livre
Au XIXᵉ siècle, un éditeur londonien s’impose comme le roi des « movable book », j’ai nommé Dean&Son. Ils inventent les systèmes de volets à tirer ou encore de languettes. En 50 ans, ils publient plus de 50 livres animés. Leur slogan était d’ailleurs « Books with pictures that Spring to Life » (= des livres aux images qui prennent vie).
Aladdin et la lampe magique. À cette époque on tire avec une ficelle pour activer le mécanisme du pliage.
Édition allemande de Robinson Crusoé, basé sur les pop up de Dean&Son.
C’est en 1930 que le mot « pop-up » apparaît avec l’éditeur américain Blue Ribbon Book, qui dépose même le terme comme argument marketing. Ils lancent les grands contes classiques où les personnages surgissent littéralement hors de la page.
Extraits de Cendrillon
L’Angleterre aussi performe avec S. Louis Giraud qui publie une série de 16 livres les « Bookano Stories » où chaque page dévoile une scène en trois dimensions : animaux exotiques, bateaux grandeur nature… de véritables théâtres en papier.
De nos jours, ce sont les ingénieurs papiers, de véritables magiciens, qui donnent vie à des mécanismes plus sophistiqués, toujours plus waow. De vrais architectes, car ils conçoivent en trois dimensions, imaginent des structures solides qui tiennent debout une fois le livre ouvert. Mais aussi orfèvres, puisque chaque millimètre compte. Un pli mal placé et c’est tout le mécanisme qui est bloqué.
Des heures et des heures à réaliser des prototypes, qui sont testés, corrigés, ajustés encore et encore pour obtenir le bon équilibre entre fragilité et solidité. Un pop-up trop épais ne se replie pas bien, un trop fin s’abîme vite.
Si vous êtes fan de Star Wars, je vous invite à voir la merveille Star Wars: A Pop-Up Guide to the Galaxy ici : montré par l’auteur lui-même, un grand maître du pop-up contemporain Matthew Reinart.
Un petit aperçu... du grand art !Mais aussi Robert Sabuda, primé pour son livre pop-up d’Alice au pays des merveilles :
(Rien que de voir toutes les cartes, je n’imagine même pas tous les nœuds au cerveau pour que tout se déplie et replie parfaitement…)
Un autre exemple d'un de ses titres, La Belle et la Bête.
Aujourd’hui le pop-up a dépassé l’édition de livres classiques. On en retrouve dans la publicité et marketing (cartes promotionnelles, carte de voeux de luxe, ou packaging ingénieux).
La technique, la technique !
Et bien… des centenaires que les livres animés existent mais finalement en 2025 ce sont toujours des livres fabriqués à la main ! (La seule différence avec le XVᵉ siècle c’est l’aide de certains logiciels 3D pour simuler les plis.) Chaque petite pièce est pliée/collée par des opérateurs spécialisés, souvent en chaîne (une personne, un geste, répété à la perfection), puis intégré au livre qui lui aura été imprimé au préalable. Ceci explique les coûts plus élevés et les délais de fabrication.
C’est pourquoi ce sont des ouvrages fabriqués en Asie, la main d’œuvre est beaucoup moins cher que chez nous... On peut trouver des imprimeurs en Europe de l’Est mais vraiment pour des mécanismes très simples (tirette, volet, roue qui tourne…), le savoir-faire est vraiment très développé en Asie, surtout en Chine.
Bien évidemment au-delà de la fabrication, il faut ajouter au prix du livre, l’ingénieur papier ! Plus les mécanismes sont complexes, plus le travail à fournir est conséquent (logique vous me direz !), un mécanisme très complexe peut être facturé près de 1500 euros.
Les principaux mécanismes qu’il existe aujourd’hui :
Le pli en V : il s’agit d’un des plus courants et ingénieux des mécanismes. Deux ailes collées sur les côtés du pli central se dressent en un V au moment où on ouvre la double-page, projetant une partie du décor vers le lecteur — simple, efficace, et parfait pour faire surgir un objet ou personnage.
Tirette : comme son nom l’indique, on tire sur un élément (indiqué sur le livre avec une flèche le plus généralement) qui en laisse apparaître un autre.
Plateforme (box fold) : C’est une petite scène ou structure qui s’élève de manière tridimensionnelle : un stade, une maison, ou une surface plane sur laquelle on peut coller plusieurs éléments. Le papier est découpé et plié de façon à former une forme en 3D fermée (comme une petite boîte ou un cube) quand on ouvre la page. Ça crée un objet qui “sort” du livre avec du volume réel : une maison, un coffre, une table, un gâteau…
Si le sujet vous intéresse et que vous voulez vous lancer, je ne peux que vous conseiller cette bible dont sont tirées les 3 photos ci-dessus. Ce livre est incroyable et donne toutes les explications techniques pour réaliser ses propres pop-up : l’acheter ici.
Le livre pop-up c’est la preuve vivante qu’avec une simple feuille de papier, on peut inventer des mondes en volume ❤️
À une époque pas si lointaine, on m’a confié un projet un peu fou : réaliser un dossier de presse… en pop-up pour la sortie d’un nouveau livre. J’étais en binôme avec la graphiste la plus talentueuse (et la plus patiente) de la Terre, et je ne vais pas vous mentir : on en a bavé. Mais genre, vraiment. Parce que, évidemment : « Isalyne, pas de budget pour un ingénieur papier, tu comprends ».
Sauf que moi et la géométrie dans l’espace, c’est une grande histoire d’amour… très contrariée. Autant dire que ce projet a été un vrai parcours du combattant (de temps, de budget et bien sûr de fabrication).
Et pourtant. De tout ce que j’ai pu faire dans ma carrière, c’est cet objet-là dont je suis le plus fière. M., la graphiste, a fait un travail de dingue (elle a même sacrifié un réveillon de Nouvel an pour finir le design, respect éternel…). L’imprimeur, de son côté, nous a beaucoup épaulé dans ce projet. Les mécanismes sont restés simples, mais efficaces. Et aujourd’hui encore, chaque fois que je retombe dessus, mon petit cœur de papier se gonfle un peu.
Je dirai même, leS beauX livreS ! Pour aller avec le thème du jour, voici quelques photos de livres pop-up que je possède dans ma bibliothèque avec de très belles images et ingénierie papier.
Hearthstone, le livre pop-up - ManaBooks
Hearthstone, le livre pop-up - ManaBooks
My Little Pony: the Castles of Equestria - Matthew Reinhart (le fameux M. Star Wars !)
Jardin Bleu de Elena Selena - Gallimard Jeunesse
Si Paris était un gâteau - Marabout
J’espère que ce numéro vous a donné votre dose de “WAOW” du jour (minimum 4, je prends les comptes 👀), parce que de mon côté, j’ai adoré le faire. Je vous souhaite bon courage pour la reprise/rentrée et bonnes vacances pour ceux qui partent en septembre !
Livrement vôtre,
Isalyne